Un savoir-faire reconnu internationalement
Réalisées sans aucun liant, les constructions en pierre sèche résultent de techniques d’assemblage de pierres de tailles différentes. Elles reposent sur un savoir-faire, développé de génération en génération lié aux activités rurales polyvalentes (paysan, cantonnier, maçon, charbonnier…). Ce savoir-faire, présent partout dans le monde où l’homme a eu besoin de s’adapter aux différents territoires pour y vivre, a fait l’objet en 2018 d’une reconnaissance internationale par son inscription sur les listes de l’UNESCO.
Patrimoine culturel emblématique des Préalpes d’Azur, les constructions en pierre sèche ont contribué à modeler fortement le paysage du territoire. On les retrouve dans les villages, leurs périphéries ainsi que dans des zones plus isolées, très souvent sous la forêt de nos jours.
Une grande variété d’ouvrages, témoignage de la vie locale au fil des siècles
Alors que d’antiques constructions, aux fonctions religieuses, funéraires, commémoratives, démonstratives ou défensives, comme des dolmens, des tumulus, des enceintes et quelques portions de voies romaines, apparaissent çà et là aux détours des sentiers et des lignes de crêtes, de nombreux ouvrages, édifiés depuis au moins le XVIIIe siècle, témoignent plus particulièrement du développement d’une vie agro pastorale. Par une adaptation aux conditions géographiques et climatiques des Préalpes d’Azur, ils ont constitué le plus souvent des aménagements fonctionnels pour y créer un espace productif et nécessaire à la subsistance.
Les cabanes (appelées « bories » ailleurs), les enclos, les bergeries, les pièges à loup et les ruchers tout en servant l’élevage permettaient autant la protection des hommes que de leurs biens. En cassant les pentes, la construction de nombreux murs de soutènement (restanques), associée à quelques aires de battages, a favorisé le développement d’une agriculture de montagne et du pastoralisme. Afin de gérer la précieuse ressource en eau, des puits, des citernes, de petits aqueducs et même des galeries drainantes ont pu être construits aux points stratégiques.
Enfin, la nécessaire communication des hommes et de leurs marchandises a été rendue possible par l’aménagement de ponts, de calades et de voies (routes, sentiers) nécessitant des murs de soutènement. Les clapiers, amas de pierres, issus de l’épierrement des sols, pour améliorer la pâture et rendre cultivable une terre rude, parfois contenus par des murs, constituaient des réservoirs de matière pour tous ces ouvrages.
Focus sur une construction incontournable : la restanque
Désignant un mur en pierre sèche soutenant une terrasse de culture, elle est le type d’ouvrage de ce patrimoine le plus courant du Parc naturel des Préalpes d’Azur et partout présente sur son territoire. Elle permet ainsi l’aménagement d’un terrain plat facilitant le travail agricole et assure une régulation des eaux (drain). Parce que le mur est indissociable du terrain qu’il retient, le terme est parfois employé également pour désigner l’ensemble comprenant le mur et la bande de terre. La restanque est utilisée autant pour la culture des plantes à parfum, des oliviers, des bigaradiers, des vignes que pour les activités de toute culture (légumes, légumineuses, céréales) et d’élevage.
Comme la plupart des ouvrages en pierre sèche, installée de longue date, la restanque participe de l’écosystème permettant de maintenir et de préserver la biodiversité globale. Elle sert notamment d’abris et de nid aux espèces dites auxiliaires, extrêmement bénéfiques à l’agriculture.
Les restanques préviennent également l’érosion des sols et les glissements de terrain, limitant les effets des phénomènes de ruissellement lors des épisodes de pluie intense. Par ailleurs, lorsqu’elles sont bien entretenues, elles peuvent constituer des pare feux efficaces et permettre de réduire la diffusion des incendies.
Perspectives
De nos jours, les restanques sont bien souvent abandonnées et envahies par la végétation, pourtant elles sont un atout considérable pour l’adaptation au changement climatique et la gestion des risques. C’est une technique de construction “zéro carbone” (pas de ciment, d’eau ni d’acheminement de matériaux).
Elles constituent ainsi un potentiel à réinvestir.
Afin de préserver les restanques et leur savoir-faire et de permettre aux agents communaux et aux propriétaires d’acquérir les bons gestes pour les restaurer et les entretenir, le Parc organise régulièrement des chantiers d’initiation aux techniques de la pierre sèche sur les communes de son territoire en faisant appel à des muraillers professionnel
En partenariat avec les communautés d’Agglomération de Sophia-Antipolis (CASA) et du Pays de Grasse (CAPG) et le CAUE 06, deux supports d’informations et de formations ont été publiés :
- Un guide de bonnes pratiques pour la préservation des paysages de restanques
- Une vidéo d’initiation, pour découvrir ce savoir-faire
https://youtu.be/IclDy8ZEPac
La prise en compte des nombreux atouts des restanques constitue une opportunité de dialogue entre les différents acteurs du territoire des Préalpes d’Azur pour trouver les moyens
- de développer une filière pour les constructions nouvelles en pierre sèche (pouvoir comparer les rapports qualité prix et former plus de professionnels) et restaurer des ouvrages existants en plus de former des propriétaires ;
- de consolider voire de redéployer une production agricole locale (en innovant dans les outils) ;
- d’une urbanisation intégrée respectueuse des silhouettes villageoises et de l’identité du territoire ;
- d’une limitation des risques liés aux épisodes climatiques intenses ;
- de la sauvegarde de la biodiversité.